Parce que parfois il faut dire les choses pour avancer

Je suis restée longtemps devant cette page blanche en ne sachant que dire ou même que faire. J’ai exactement huit brouillons d’articles qui s’arrêtent tous au deuxième paragraphe.

C’est ce qu’on appelle la page blanche.

Seulement voilà. Je me connais. Je sais très bien que si je n’arrive pas à écrire c’est qu’il y a un cadenas, un verrou, qui m’empêche de m’exprimer. Et ce n’est pas ma liberté qui est bafouée. Je suis mon seul dictateur.

Confidences

Je crois que la période de Noël est une mauvaise période.

C’est une mauvaise période qui fait remonter des souvenirs qui ne me sont pas agréables. Des souvenirs qui finalement n’en sont pas, qui ne sont pas mes madeleines de Proust de l’enfance et qui ne me parlent pas.

Noël est mort, vive Noël !

Je suis à la fois soulagée que ce soit terminé et en même temps complétement abasourdie. K.O même. Mon corps a dormi presque quatorze heures le 26. Pour dire à quel point je n’en pouvais plus.

Ces deux journées familiales se sont dans l’ensemble bien passées. On va être honnête, je n’ai pas pu me détendre et je ne me suis pas sentie « à la fête » même si j’avais mis mon joli chemin de table avec des rennes.

Il y avait le sapin, le foie gras (maison), le chapon farci et même la bûche (très moche mais maison). C’était dans l’apparence réellement Noël. On a eu des cadeaux, on s’est tous dit « Merci », on a même regardé le DVD de notre mariage et des films de Noël.

Mais impossible de me détendre ou d’être positive. La tristesse la plus totale et surtout l’énervement. Une sorte de colère qui remonte à très loin et qui était tournée exclusivement vers ma famille.

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J’ai dit souvent sur ce blog que je ne parlerais pas de famille, car les écrits restent et blablabla… Mais je crois qu’il est temps de lever la chape de plombs que j’ai mis sur cette famille pour parler pudiquement de ce qui me tracasse et me rend malade, au sens littéral et au sens figuré. Puisque la première chose que j’ai faite le jour de Noël, c’est de vomir. Et ce n’était pas la gastro. C’était l’énervement.

Ma mère est malade.

Si elle lisait ceci, elle vous dirait que c’est faux, même si au fond d’elle elle sait que c’est vrai. Elle est malade depuis trente ans d’une maladie très banale et très destructrice : la dépression, mêlant paranoïa et maniaquerie.

Elle refuse de se soigner. Depuis trente ans.

J’en ai presque 28.

Ma mère est quelqu’un de bon et de gentil. Elle est attentionnée et donnerait tout ce qu’elle a pour ses enfants. Mais ma mère n’a que ses enfants. Et d’ailleurs elle pense qu’il n’y a que ses enfants qui vaillent la peine puisque les pères sont partis. Ma mère est une femme courageuse, qui nous a élevé tous les quatre, toute seule.

Mais ma mère est malade. Et plus je grandis, plus je vois les méfaits de la maladie. Et plus je me fâche.

Ma mère pense que je suis la huitième merveille du monde et que personne ne m’arrive à la cheville. Elle est donc hostile à toutes personnes lui piquant sa fille. Et l’intention que sa fille lui porte. Ce n’est pas pour rien que j’ai annoncé notre mariage presque un an et demi à l’avance. Il a fallu que ma mère digère. Et elle n’a toujours pas digéré. D’ailleurs elle continue de faire des remarques.

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Ma mère, elle n’a pas eu une vie facile. Ma mère a perdu un enfant, qu’elle ne voyait plus depuis presque cinq ans à cause de cette foutue maladie et du sentiment que, nous, ses enfants, nous étions forcément meilleurs que nos compagnons.

Mon frère avait coupé les ponts.

Ma deuxième sœur a coupé les ponts depuis notre mariage. Je n’ai plus aucune nouvelle de ma sœur avec qui j’ai grandi.

Depuis six mois.

Je n’ai eu aucune explication à part qu’elle ne souhaitait plus avoir à faire à notre famille. Comme ça. D’un coup.

D’un côté je me dis que je la comprends, et que moi aussi j’aurais aimé coupé complétement les ponts, comme ça. Mais de l’autre, je suis très en colère. En colère de ne pas avoir d’explications, en colère de devoir supporter ma mère avec mon autre sœur, en colère de ne pas comprendre : nous avons perdu notre frère et elle m’oblige à ne plus avoir de contact avec elle, comme si elle était morte.

Et triste. Très triste. Triste de ne pas voir grandir mon neveu, triste de ne pas rire avec elle, même si on n’est pas toujours d’accord. Triste, au point de pleurer et de vomir le soir de Noël, de me dire que putain cette famille n’est décidément pas une putain de famille Nutella. Ah on aime ça être différent. Se faire du mal.

L’organisation de mon mariage a été un calvaire de ce côté-là et malgré toutes mes précautions, ma sœur ne me parle plus, ma mère en veut à la terre entière et moi je suis au milieu.

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Qu’est-ce que j’ai appris réellement de cette année ?

J’ai appris que même avec la meilleure volonté du monde, si les gens ont envie de se fâcher, si les gens sont malades psychologiquement, et bien, malgré mes sourires, ma joie et mon envie d’arrondir les angles, les gens partent. Les gens quittent votre vie ou alors ils se renferment sur eux-mêmes. Les gens voient le mal où ils ont envie de voir le mal. Les gens trouvent le prétexte pour justement ne pas être courageux, ne pas affronter ce qui leur fait mal.

Je dis « les gens », je fais des généralités. Je ne devrais pas. Mais utiliser la banalité d’une expression permet de prendre de la distance avec sa douleur.

Car oui j’ai mal. J’ai terriblement mal de me dire que j’ai fait tout ça pour ça. Putain, j’en crève même de me dire que mon mariage a provoqué des réactions à la chaîne, que je ne contrôle plus, alors que j’avais tout imaginé. Sauf ça.

Oui, j’ai passé un bon Noël. Mais le Père Noël ne m’a pas apporté ce que je souhaitais : un peu de répit dans cette famille.