Parfois, il y a des sujets qui me mettent en colère. Ou plutôt il y a des expressions qui m’interpellent, que je trouve profondément injustes, ou tout simplement stupides. Oui n’ayant pas peur des mots, parfois, je trouve les expressions françaises stupides, car elles sont pleines de mépris et reflètent un temps que, désolée, je ne regrette pas.
Depuis que je suis en couple, au plus lointain que cela peut remonter (eh oui j’ai eu une vie avant Grumpf… ), j’ai toujours entendu cette expression dans la bouche des spectateurs de mes couples éphémères ou non.
« Oh de toute façon, on sait très bien qui porte la culotte dans votre couple, hein Madame Sourire ? »
Avec un gros rire gras à l’arrière.
De la part d’hommes, de femmes, de jeunes, de vieux, de gens proches ou non, d’amis, de connaissances et même parfois d’inconnus !
C’est aussi fort que de me dire « Bah alors, t’es énervée à cause de tes règles ? »
Décortiquons ensemble la symbolique de cette expression, au combien misogyne.
Je parle fort. Je prends un peu de place quand je suis en soirée. Je me tais quand la conversation m’ennuie, mais je suis intarissable sur des sujets comme le féminisme en soirée. Je suis aussi potache. Moi, j’aime bien les blagues et surtout les blagounettes pas drôles. Donc quand je m’ennuie ou quand je suis à l’aise, j’ai tendance à en faire des tonnes, voire des caisses et je peux me retrouver en train de danser sur une table/un bar/un escalier, en talons et robe moulante, sans me dire que ma condition de femme doit me réduire au silence.
Je suis sûre qu’au fond de toi, tu es aussi comme cela. Mais si.
Quand je ne suis pas en soirée, je suis exactement pareille. Sauf que je ne danse pas sur la table. Mes élèves me connaissent pour mon humour (parfois pas drôle mais on s’en fout), pour mes jeux de mots et pour les réponses vives que je peux apporter. Mes collègues savent tout de suite quand ça ne va pas : je ne souris pas. J’aime rire de tout mais pas avec tout le monde et, quand je pense que la personne a tort, je ne lâche pas si facilement le morceau. Bon sauf si c’est ma belle-mère. Elle est trop gentille pour cela.
C’est ce qui plaît à Grumpf : je suis solaire. (Merci, je vais bien, mes chevilles aussi et vous ? )
Grumpf est aussi solaire dans son genre. Il ne danse pas sur les tables, mais il aime les aventures, il aime titiller les gens et surtout il a un humour à tout épreuve. Il peut parfois être plus en retrait car il est plus réflexif que moi. On se ressemble beaucoup même si on n’a pas la même manière de l’exprimer.
Et c’est parce que je prends de la place en société, que, souvent, j’ai pu entendre, cette foutue expression :
« De toute manière, on sait très bien qui porte la culotte dans votre couple« .
Et tout cela devant Grumpf.
CLAP CLAP CLAP CLAP !
Qu’est-ce que veut dire cette expression ? Tout simplement que dans notre couple, il y a un dominant et un dominé et que le dominant, et bien c’est moi.
Qu’est-ce que ça veut dire concrètement « dominer dans son couple« ? Cela veut dire que le dominant impose toutes ses décisions, et donc, tous ses désirs à l’autre, qui est bien gentil de suivre en fermant sa gueule. J’insiste fortement sur ce dernier point. Le but de la domination, c’est aussi de ne pas avoir de résistance et que l’autre donc se taise.
Je serais donc une femme qui impose toutes ses idées à son conjoint, parce que ma personnalité ne me permet pas de faire autrement. Et mon conjoint n’a pas le droit de dire non, parce que je suis bien trop dominante pour cela.
Se mettre ensemble ? C’est moi. Les chats ? C’est moi. Notre couple ? C’est moi. Le mariage ? Ce n’est que moi. L’appartement ? Bah c’est encore moi. La faim dans le monde et la guerre en Syrie ? Ah non, là, ce n’est pas moi.
C’est ma volonté suprême qui fait notre couple. Grumpf ne fait que suivre.
Et c’est là qu’on arrive au double effet Kiss Cool de l’expression.
Si cela est particulièrement dérangeant pour moi, puisque je pense sincèrement qu’un couple se construit à deux, je trouve ça plus qu’insultant pour Grumpf.
En effet, derrière cette accusation, cela veut dire aussi que Grumpf n’a pas assez de « couilles » pour me tenir tête et me remettre à ma place de femme. Ma place de femme est celle évidemment où je dois me taire et suivre mon mari.
Cette expression touche donc deux points :
- la virilité de Grumpf (« Cela ne serait pas un vrai homme puisqu’il ne décide pas »)
- et ma féminité à moi (« Une femme doit se taire et ne pas faire d’éclat » et son corollaire « une femme doit suivre son homme »)
Il y a un mythe sur les couples qui me dérangent fortement, c’est cette question de domination. Je peux lire parfois des paragraphes entiers sur ce que doit faire une femme en début de relation « Ne soyez pas trop dans l’opposition« , « Faites attention, laissez lui prendre des décisions » ou encore le mot de la fin « Ce qui compte, c’est qu’à la fin, il fasse ce que vous avez envie« . Je vous passe les paragraphes débiles sur le sexe et sur les décisions de couple : « Si vous lui faites plaisir au lit, il acceptera ce que vous voulez, notamment vos chaussures Louboutin« . C’est bien connu : une femme, cela ne veut que des chaussures. Et un homme, cela ne pense qu’au cul.
Est-ce qu’on ne peut pas changer de paradigme et se dire tout simplement que la domination dans un couple est complètement est un concept dépassé ? Et pourquoi toujours utiliser ce mot de « domination », qui est extrêmement connoté ?
Bien-sûr que dans mon couple, j’ai eu envie, avant Grumpf, de me marier ou d’acheter un appartement. Mais bien avant de le connaître, je voulais un chat. Et c’est lui qui m’a offert mon premier Loulou. Il a accepté d’accueillir aussi notre deuxième Loulou, parce qu’il trouvait que le premier s’ennuyait. Et puis quand j’ai voulu d’un chien, il a dit non. Il a voulu me faire plaisir, mais pas à n’importe quel prix.
J’ai l’impression parfois que les gens pensent qu’un couple, c’est des coups d’éclats, de l’engueulade, et que donc forcément, comme j’ai la voix qui porte, c’est moi qui domine. Que je crie le soir, comme une petite fille à Grumpf « JE VEUX ME MARIER » et que lui, terrorisé par mes excès, accepte.
Mais pas du tout.
Quand j’ai demandé Grumpf en mariage (on reviendra sur ce point dans un prochain article… ), il a dit « Oui » tout de suite. Mais ensuite, nous avons eu une période d’environ deux mois, où nous n’avons rien dit et où Grumpf a réfléchi. Il a toujours besoin de beaucoup réfléchir et c’est aussi pour cela que je l’aime. Quand il décide quelque chose, il met du temps, mais il le fait à fond.
Pour l’appartement, il a mis plusieurs mois avant de se dire qu’on devait déménager et encore plus qu’on devait acheter. C’est un être libre. C’est un individu qui a un libre arbitre et une conscience. Il ne fait pas de vague en hurlant, il réfléchit.
Et moi dans tout cela ? Bien-sûr que j’impulse un certain mouvement, que j’organise plus de choses, mais est-ce que cela me donne le droit de dire que je domine mon couple ? Que c’est moi qui fait tout, comme une enfant qui a besoin de reconnaissance ? Bien-sûr que non. Je suis aussi un être doué de libre arbitre et je suis donc capable de dire ce que je désire, mais aussi ce que je ne veux pas.
Et je ne veux pas qu’on m’explique en soirée que je suis celle qui domine mon couple. Parce que c’est tellement réducteur et synonyme d’une société qui ne m’intéresse plus., d’une société que je ne voudrais pas revoir où les femmes n’ont pas leurs mots à dire et où les hommes sont enfermés dans des rôles beaucoup trop contraignant.
Et puis comme me le repète Grumpf : « Sans toi, on n’aurait pas fait tout cela et je n’aurais pas vécu ma plus belle aventure« .
(Je vous évite les cœurs et les paillettes. J’ai encore une dignité.)