Être née en 1987

Je suis née en 1987. Et je viens d’avoir 30 ans, le 9 janvier.

J’ai la particularité d’être née en début d’année et donc d’ouvrir le bal des anniversaires de l’année.

J’ai donc eu 30 ans, comme ça, sans m’en rendre compte. J’ai eu 30 ans, ce lundi, et je me sens enfin à mon âge.

C’est assez bizarre de se dire qu’on se sent correspondre à un âge. Depuis mes 25 ans, j’ai hâte d’arriver à 30 ans, d’arriver à cet âge qui me semble plus doux, plus facile à apprivoiser. J’ai envie de rester à 30 ans toute ma vie. Juste parce que je sais que c’est un âge qui me semble lumineux et intéressant. Je ne peux pas me l’expliquer. Autant j’avais envie de passer au plus vite à 30 ans, autant aujourd’hui je voudrais que le temps ralentisse et je voudrais voir fleurir mes 30 ans tous les ans.

Mais quand je réfléchis un peu à la signification de cet âge, je vois surtout que je viens de traverser 30 années.

30 années de politique, de société et d’histoire.

Être née en 1987, c’est avoir connu encore un peu l’URSS et se souvenir de quelques moments lors de la chute de l’URSS. Aucun souvenir de la chute du mur.

Être née en 1987, c’est se souvenir des missiles envoyés par les Etats-Unis sur le Koweit occupé par l’Irak. Je me souviens de ces lumières blanches, qui représentaient les bombardements. C’est sûrement un de mes premiers souvenirs télévisuels. 1991.

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Être née en 1987, c’est se revoir la fin du mandat de François Mitterrand en 1995, et se rappeler son décès le 8 janvier. La veille de mon anniversaire. Tout un symbole.

Être née en 1987, c’est être champion du monde de foot en 1998, c’est avoir parcouru sa petite ville en hurlant par la fenêtre de la voiture. C’est cette caresse de l’été, cette joie et ce sentiment que tout était possible. C’était entré en 6ème deux mois plus tard et donc de ranger ses pogs dans sa poche.

Être née en 1987, c’est voir à la télévision les massacres au Kosovo et savoir que quelque chose de grave se passe près de chez nous, à 12 ans.

Être née en 1987, c’est avoir fait le décompte pour changer de « millénaire ». Au revoir 1999 et sa fameuse tempête, bonjour 2000 et son bug. Je me souviens encore de la panique : nos ordinateurs allaient-ils survivre ? Est-ce que la bourse va s’effondrer ?

Être née en 1987, c’est regarder les Minikeums quand on revient de cours, c’est chanter les chansons débiles du générique. C’est porter des baggys, des Dr Martens, c’est avoir son premier portable, un 3310 de chez Nokia au collège et jouer au Snake. C’est dire adieu aux francs et bonjour aux Euros.

Être née en 1987, c’est avoir vécu en direct les attentats du 11 septembre 2001. Je me souviens de ces tours qui s’effondrent, alors que je suis seule chez moi. J’ai pleuré pendant plusieurs soirées, tellement j’avais été choquée. Je pensais qu’une nouvelle guerre mondiale se déclarait, qu’une époque de guerre s’ouvrait à nous et que le monde ne serait plus jamais comme avant. Comme si j’abandonnais mon enfance, comme si j’abandonnais mon insouciance, ce mardi-là, devant ma télévision.

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Être née en 1987, c’est remettre des pantalons pat’ d’eph’ et revoir les Converses revenir à la mode.

Être née en 1987, c’est grandir en même temps que Internet, c’est se souvenir du bruit des modems et des « Tu coupes ton Internet pour que je puisse téléphoner à Tata Micheline« , de la part de tes parents. C’est le forfait AOL 50 heures que tu partages avec tes parents.

Être née en 1987, c’est écouter Tryo, c’est avoir été accompagné par Céline Dion, c’est aller voir Titanic, c’est écouter Jean-Jacques Goldman avec les copines. C’est voir les débuts de Britney Spears et de Christina Aiguillera.

Être née en 1987, c’est avoir manifesté contre les réformes Fillon au lycée et contre le CPE à l’université. C’est avoir fait les TPE deux années de suite : une fois en Première, une fois en Terminale. C’est avoir voté pour la première fois sur le référendum de la Constitution européenne en 2005.

Être née en 1987, c’est voter pour ses 20 ans, 25 ans et ses 30 ans pour une élection présidentielle. C’est avoir l’impression que la politique française nous suit dans les grandes étapes de notre vie.

Être née en 1987, c’est subir la crise économique au moment où on entre sur le marché du travail, c’est avoir l’impression que sa génération est celle qui essuie les pots cassés. C’est avoir deux réformes à la suite sur la formation des profs et voir des stagiaires galérer avec 18 heures semaines.

Être née en 1987, c’est parler d’égalité : l’union entre deux hommes ou deux femmes, la place des femmes dans notre société et c’est avoir vu émerger un cyber-militantisme sur Internet. C’est voir la fin des enfants « naturels » (hors mariage) et « légitime », lors de sa première année de droit en 2005/2006. Une sacrée avancée en droit de la famille.

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Être née en 1987, c’est aussi savoir que tout peut être bouleversé, que la politique nous apportera pas toutes les solutions, que parfois il vaut mieux s’engager dans le local. Je me souviens encore de Le Pen au deuxième tour de 2002 et la colère que je pouvais ressentir de ne pas pouvoir m’exprimer.

Être née en 1987, c’est avoir vécu 30 ans, c’est penser à ceux qui ne sont plus là, c’est panser ceux qui sont encore là. C’est avoir vécu des deuils, des déceptions, des peines de cœur, c’est apprendre à avoir plus de recul.

Être née en 1987, c’est avoir 30 ans cette année.

Bon anniversaire à toi, petit 1987.