On les a attendu. Toute l’année.
On s’est dit que ce n’était pas très raisonnable. On s’est dit que ce n’était pas possible. On a refait nos calculs douze fois, voire plus. J’ai même pour la première fois de ma vie fait un tableau Excel. Il s’agissait de partir et de payer nos nouveaux impôts locaux.
On a eu des sueurs froides de se dire qu’on faisait cette folie. Que c’étaient les vacances, nos vacances, notre rêve qui se réalise un peu.
Un rêve que j’envisage depuis maintenant quinze ans. Partir. Tout lâcher. Après cette année pourrie, après la fausse couche, après les problèmes au boulot, après les envies de ne plus voir personne. Partir encore plus loin parce que, là, on sent qu’on le mérite.
J’en ai les larmes aux yeux, rien que de savoir que demain je vais fouler les terres du Québec, mon plus beau voyage, ma plus belle attente. Quinze ans à se dire qu’on pourra un jour y aller et là, l’opportunité de notre vie.
Grumpf est déjà là-bas, en colloque, déplacement professionnel, billets d’avion payés. Nous n’avions qu’à tendre les bras.
Cette année 2016 est folle.
Elle est folle parce que je n’aurais jamais autant voyagé que cette année à l’étranger. Athènes en mai, Québec en juillet, Berlin en octobre.
Cette année 2016 est folle.
Elle est folle car elle m’offre les plus beaux frissons de ma vie, les voyages que je n’aurais pas pu m’offrir il y a encore quelques années, et en même temps elle me teste, me fait souffrir, me faire attendre.
J’ai des envies de bouffer le monde, j’ai des envies d’aller bouffer des kilomètres de routes, d’en prendre plein les yeux, de me dire que j’ai de la chance de vivre cela. J’ai envie d’être avec mon Amoureux, sur les routes, d’aller randonner, d’aller voir les baleines, d’aller voir les caribous, de m’oublier dans une boîte de nuit, de danser jusqu’à ce que je sente que j’existe, j’ai envie de sentir le soleil sur ma peau, de rencontrer plein de gens, de faire du cheval, de faire du canoë, de vivre, de vivre et putain de vivre.
D’oublier le boulot, d’oublier cette fin d’année vraiment triste, d’oublier mes traitements, d’oublier mon attente, d’oublier le nombre hallucinant de grossesse autour de moi, d’oublier ma peine, d’oublier mes putain d’ovaires.
Allez viens, on largue les amarres, on se barre, on traverse l’Atlantique et on va se bouffer du Québécois, comme jamais on ne l’a fait.
Allez viens, on oublie tout, on lâche le quotidien, on dit « Adieu Tristesse » et on part. Rien que tous les deux, loin de tout, loin d’Internet, de nos amis, de nos familles, de notre travail. On leur dit à tous de nous oublier trois semaines et on se retrouve en août quant on saura enfin que ce qui compte, c’est notre amour, c’est notre vie, c’est la chance qu’on a d’être ensemble et de vivre ce que nous vivons.
C’est la chance de vivre cela tous les deux, même si on aimerait être trois. C’est notre chance de se barrer, de lâcher prise, de faire ce road-trip qu’on a tant attendu cette année.
C’est notre récompense, c’est notre victoire, c’est nos vacances.