Un an après l’assaut à Saint Denis

Cela fait maintenant plus d’un an que nous habitons à Saint Denis. Nous avons emménagé en octobre 2015.

Le 18 novembre 2016, le RAID venait arrêter le terroriste le plus recherché d’Europe à quelques bâtiments de chez nous.

Sur le moment, on n’a pas fait les fiers quand on a été réveillé à 4h23 ce jour-là. J’ai même eu la peur de ma vie. Nous étions à quelques jours du 13 novembre et j’avoue que voir cela en bas de chez moi m’a effrayée. On s’est même rapidement habillés, si jamais ils nous « exfiltraient » pour notre sécurité. Il était hors de question que je sorte en pyjama. Le style avant tout.

On se monte vite des films quand même.

Les premières semaines, je regardais comme un trou béant cette immeuble toujours debout qui est resté derrière des bâches pendant quelques mois. Nous avons vu les experts se succéder.

Nous avons été en colère puis triste à la fois : en colère qu’on vienne comme ça encore salir un peu plus la réputation de notre ville d’adoption et triste, terriblement triste de voir le traitement médiatique et des sinistrés.

Parce que oui, il y en a des sinistrés dans la rue du Corbillon.

L’immeuble de la rue Corbillon où il y a eu l’attaque, est un immeuble avec une cour au milieu. Les terroristes étaient dans le bâtiment A, côté rue. Pour accéder aux autres bâtiments, il fallait passer par le bâtiment A. Comme tous les immeubles parisiens.

Cela fait donc un an que les locataires et les propriétaires de cet immeuble de la rue Corbillon ne peuvent plus accéder à leurs biens, à leurs affaires. Certains ont dû attendre plus de quinze jours pour aller chercher leurs papiers. Ils ne récupéreront rien, à part quelques affaires, l’immeuble étant condamné pour risque d’effondrement.

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Certains ont été relogé, d’autres ont un hôtel miteux, où ils ont été placé à la va-vite.

Les enfants restent profondément traumatisés, et certains adultes n’ont toujours pas retrouvé le sommeil.

Et puis, il y a ceux qui ont été blessés, car d’allure suspecte (aka peau foncée) qui sont handicapés à vie, avec un bras qui ne se lève plus. Il y a ceux qui ont reçu le lendemain de l’assaut une obligation de quitter le territoire alors que leurs demandes étaient encore en cours.

Tous ces gens n’avaient commis qu’un seul crime, celui d’habiter à côté d’un appartement relais.

Mais leur vie est à jamais marqué par cet événement.

Aujourd’hui, leur situation n’évolue pas. Et nous ressentons une forte colère concernant cet assaut. Toutes les tirs que nous avons entendus, tous les dégâts qui ont été commis, ont été l’œuvre des policiers. En effet, les terroristes n’ont tiré que 11 balles, alors que plus de 1500 ont été utilisées. Bien-sûr que ces hommes étaient dangereux : un des terroristes a actionné sa ceinture d’explosif. Mais c’est comme cela que l’homme le plus recherché d’Europe a été tué.

Et ces tirs en rafale, que tout le centre de Saint Denis a entendu, est-ce que c’était une obligation, alors que les terroristes sont tous morts en 45 minutes ? On a entendu des tirs jusque 9 heures du matin…

Aujourd’hui, face à cette immeuble condamné de la rue Corbillon, je ne peux que ressentir du dégoût, de l’incompréhension.

Je ressens aussi un peu d’abattement. Il est sûr que si cette immeuble avait été dans un beau quartier ou dans une ville qui n’est pas populaire, les travaux auraient avancés plus vite. Les enfants de l’école d’à côté arrêteraient de passer tous les jours devant. Ils pourraient tourner la page.

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Mais nous, on est à Saint Denis. Une ville populaire que j’aime. Une ville qui n’est pas forcément propre, où il n’y pas forcément des beaux immeubles haussmanniens.

Et on prend donc son temps pour effacer les traces du terrorisme. Et on prend son temps pour reloger les familles, indemniser les blessés. Parce que finalement, si ils habitaient cet immeuble, ils sont quand même un peu coupable, non  ? En tout cas, dans les actes, on a l’impression que les pouvoirs publics laissent aller la situation, en pensant que tout le monde se moque des sinistrés.

Mais moi, je m’en moque pas.

Et ici, on n’oublie pas.