Tu le sens en ce moment. La planète Blog s’affole, les calendriers de l’avent ont le vent en poupe et on prend des photos de polaire, de guirlandes et de futurs cadeaux qui trouvent le chemin du sapin.
Ca sent le sapin, les épices fortes et le vin chaud. Ca sent Noël, que tu regardes sur ton portable ou par ta fenêtre.
J’aime bien Noël.
C’est une période sympa.
Mais ça n’a pas toujours été le cas.
Je vais t’éviter le refrain sur la société de consommation et tout le blabla qui peut avoir autour. Oui, on le sait, c’est une période très faste pour la consommation et cela peut créer un certain malaise surtout quand on côtoie au quotidien des gens qui n’ont pas grand chose. Je te passe aussi le couplet sur les magasins de jouets où les rayons rose sont pour les filles et les motos pour les garçons.
Ok, bon, si je retire toutes mes petites frustrations de révoltée de « la life », j’arrive enfin aux faits de cet article.
Noêl, c’est pas une période facile surtout quand tu as une famille compliquée.
Je parle très rarement de ma famille, ou alors pas toujours en bien sur Mademoiselle Dentelle. Finalement, quand je relis mes articles, je me rends compte que je parle peu, voire très peu. J’ai toujours pensé que si mes parents découvraient mon identité numérique, ils dormiraient mieux si ils ne savaient rien de tout cela. Pas de lettre ouverte pour ma mère ou autres traces qui pourraient être retrouvées dans cent ans.
Pourtant, je pourrais en écrire des articles sur ma famille. Au choix : mes parents divorcés, mes sœurs plus vieilles que moi de vingt ans, le fait que je n’ai pas le même père que mes sœurs et que je me considère pas comme une demie sœur, les caractères très différents de mes sœurs, les petits problèmes de comportement de ma mère, mes nièces, mon enfance avec ma mère et mon adolescence, la dépression de ma mère et ses conséquences, ma… Ok j’arrête. Tu as compris, on est compliqué. On est une famille normale.
J’aurais pu te rajouter pour le côté larmoyant le décès de mon frère, qui vient toujours en filigrane de mes articles mais que je n’explique pas vraiment. Il y a un temps pour tout et je n’ai pas très envie de parler de deuil en ces temps de fêtes…
Quoique, c’est peut-être surtout ça qui me bloque.
Noël n’a plus vraiment le même goût depuis 2008 et j’avoue que même si je me réjouis en surface de cette période (et que Grumpf en rajoute des caisses pour que je ne pense pas à tout cela), Noël, c’est surtout une période de galère familiale.
C’est souvent la période où tu te rends compte que ta famille n’est pas une famille Nutella. Alors que tu la pensais atypique et unie, elle est en faite explosée et pas très abordable. On aurait pu passer que le drame qui nous a touché nous fasse changer de comportement. Pas vraiment. Les premières années, tout le monde a fait des efforts, alors que ma mère refusait de fêter Noël. Aujourd’hui qu’elle va un peu mieux, plus personne ne fait d’effort. Comme si on tentait d’oublier toutes ces années de tristesse.
Bien-sûr, avant la perte de mon frère, tout n’était pas rose. C’était même Bagdad.
Avec des parents divorcés, je me suis retrouvée balloter entre les années paires et impaires et le sentiment d’être le messager pacifiste entre mon père et ma mère. Je ne raconte pas le sentiment de culpabilité que j’ai pu ressentir vers l’âge de huit ans, alors que je laissais seule ma mère le 24 au soir et le 25, car j’étais chez mon père et que la fratrie était encore divisée et occupée chez la belle-famille. Ce sentiment très fort, d’abandonner ma mère, un soir où la famille aurait dû être réunie a été le moteur de bien des décisions autour de Noël et de la façon dont j’avais envie de fêter cette fête familiale.
J’ai détesté Noël. J’ai détesté toutes ces réactions, ces « Et toi tu fais quoi ? T’es pas contente ? », ces repas conventionnels autour d’une obligation : celle de réunir la famille car c’est Noël.
J’ai détesté profondément cette fête que je n’ai pas pu fuir sans avoir des remarques désagréables, sans me sentir coupable de vouloir déserter. Une fuite pour oublier, pour ne pas voir, pour ne pas sentir, mais une fuite que je n’ai jamais pu réaliser.
Et puis j’ai rencontré Grumpf.
Quand je l’ai rencontré, je crois que j’étais en train d’atteindre le paroxysme de l’énervement contre Noël. Je crois que je n’en pouvais plus de concilier tout le monde et de sourire alors que je m’en prenais plein la tête.
Quand j’ai rencontré Grumpf, j’ai compris qu’on pouvait fêter autrement Noël et que, finalement, ma famille tentait de retrouver les Noëls des années 80 que moi, je n’ai presque pas connu.
Je n’ai jamais fait Noël en dehors de ma famille. Ce n’était pas possible, je devais toujours être là si ma mère était seule. Je me suis interdite de nombreux Noëls avec mon père pour me permettre d’être avec elle. Elle vous dira qu’elle s’en fiche et qu’au fond, elle ne m’a jamais interdit de faire quoique ce soit pour cette période. Mais sa voix, ses paroles et son regard m’ont toujours démontré le contraire. Comment vivre correctement une fête lorsque ta mère ne se sent pas bien ?
Cette année, je devais faire Noël chez les parents de Grumpf, dans le Limousin. Et j’ai appris que ma mère était seule le 24.
Je n’arrêtais pas d’y penser. Je m’en voulais. J’avais l’impression que mon mariage avait tout changer et que, en étant pas là pour elle, je lui confirmais ce qu’elle pensait : plus rien ne serait comme avant.
Grumpf a tout de suite su que je n’allais pas aller bien avec cette histoire. Il a donc parlé à sa mère. Et ses parents ont proposé de faire Noël à Paris, tous ensemble. Ils vont prendre un hôtel et ma mère viendra dormir à la maison.
C’est ainsi que Noël change un peu de configuration. Et c’est la première année où j’ai l’impression que Noël veut vraiment dire quelque chose. Depuis vingt ans.
Si tu te sens triste dans cette période, si ce n’est pas facile parce que tu n’as pas une famille facile, je t’envoie tout mon soutien et tous mes encouragements.
Ne pense pas que tu es seule et que tout le monde a une famille Nutella. Justement. C’est la période où toutes les tensions familiales sortent et ce n’est pas facile de s’y retrouver.
J’espère sincèrement que tu passeras un Noël apaisé et que, quoiqu’il arrive, tu arriveras à passer cette période.