Mon cher corps, ou mon cher physique,
Je ne sais pas trop à qui m’adresser. Pour être tout à fait honnête, je pensais être en paix avec toi, avec tes rondeurs et tes lourdeurs. Je partais du principe que mon corps était le résultat de qui j’étais. Le résultat de mes problèmes hormonaux, de mon penchant pour l’alcool et la fête, de mon trop plein de vie. Tant que j’arrivais à danser le plus longtemps, je n’étais pas plus inquiète que cela.
Quand je suis devenue mère, j’avais très peur de ce corps qui changeait. Le diabète de grossesse a freiné la prise des kilos. Et j’ai donc perdu quelques kilos en étant enceinte. Quand je regarde ce que j’étais en octobre dernier, je me trouve jolie, mais je ne me reconnais pas. J’ai l’impression d’être une copie de moi-même. Je n’ai pas l’habitude de voir mes joues un peu moins rondes, mes fesses un peu moins rebondies.
J’ai repris le cours de ma vie, j’ai couru après le temps, tant que tu suivais, cher petit corps, c’est que tout allait bien.
Et puis cet été, j’ai eu envie d’être plus belle.
J’ai eu l’impression de me réveiller. Je me suis rendue compte que je ne me sentais pas belle. Je me trouvais mignonne, parfois un peu sexy, mais, pour moi, être belle, c’était être mince.
Bordel, quatre ans de travail sur soi, pour revenir au point de départ. Quatre ans à trouver des vêtements qui me plaisent, à modeler un look. Quatre ans et paf ! Pour être belle, il faut être mince. Je n’arrêtais pas de penser à cela.
Et en plus, je ne sais pas vous, mais l’été, c’est la période de tous les excès. Je ne compte plus les glaces, les crêpes bretonnes, les apéros alcool saucisson. Je culpabilisais tout en espérant que ça dure.
Mon cher corps, je t’aime tout en détestant. J’aimerais ne pas avoir ses bras, j’aimerais avoir le ventre plus plat, j’aimerais ne pas te trouver rond.
Alors je n’ai pas décidé de faire de régime. Tu sais très bien que je suis une anti-régime. Je suis convaincue que les grandes boîtes multinationales utilisent ce sentiment de culpabilité pour faire du beurre sur le dos de tout le monde en général, et en particulier des femmes. Je ne crois pas aux formules magiques, c’est un changement global qu’il faut opérer.
Et puis derrière, je suis persuadée que je suis sur mon poids de forme. Je ne bouge plus depuis maintenant quatre ans.
Mon cher physique, je suis en perpétuel doute sur tes capacités, sur l’image que tu renvois.
Alors je crée des artifices, je me teins les cheveux en rouge, je fais ressortir mon décolleté. Je me protège avec mon rouge à lèvres bien rouge et je pars au combat.
J’essaye de me dire que je suis le résultat d’une histoire, d’une histoire longue. Je reprends un peu de sport et on verra. Aucune résolution de rentrée, juste faire un peu plus attention à toi, mon cher corps, celui qui a donné la vie, celui qui porte les cicatrices, celui qui me soutient au quotidien.
Tu es mon meilleur allié. Tu es mon pire ennemi. Tu es celui que j’ai envie de protéger, tout en lui foutant des coups de pieds au cul.
Tu es moi.