Elle est venue au loin. Cette grande envie. Ce grand bouleversement. Ce changement qui… Non j’déconne. Tu pensais que j’allais te parler de mon envie d’enfant parce que cela va faire quatre mois que je suis mariée ? Raté. Nous sommes bien loin de ces préoccupations.
Aujourd’hui, parlons peu, mais parlons bien, parlons consumérisme !
Je voudrais changer de smartphones mais je n’y arrive pas.
Tu me diras, face à la faim dans le monde et au virus Ebola, mon petit problème de smartphones est bien loin, voire complètement futile. Je suis bien d’accord avec toi. Et j’entends déjà Grumpf lire mon article en faisant « Et gnagnagna et gnagnagna et là gnagnagna ». Mais passons. Je prends le risque.
Une prise de conscience
Il y a quelques semaines, j’ai vu un reportage de « Cash Investigation » sur l’envers des smartphones. Comment sont ils fabriqués ? Avec quels matériaux ? Par qui ? Je ne voulais pas voir ce reportage, car je savais, qu’après ça, je ne serais plus la même. (J’avais vu un de leur reportage sur le textile il y a un an et demi et c’est comme ça que je ne vais plus chez Monoprix pour acheter un t-shirt… )
Mais Grumpf m’a convaincue me disant qu’il valait mieux savoir, plutôt que de faire l’autruche et que je n’étais pas responsable des décisions prises par les multinationales. Et il avait plutôt raison.
Je regarde donc ce reportage, sachant pertinemment que j’allais sortir de là avec un bon vieux dégoût. Cela n’a pas loupé.
J’ai donc appris que sur un smartphones de plus de 400 euros, environ 2,35 euros étaient reversés aux travailleurs chinois, qui, pour quelques uns, n’ont pas encore 15 ans. J’ai vu les mines où les congolais sont exploitées et je me suis étranglée face au lac d’acide en Chine, créé par les composants des portables. Coucou la planète ! Coucou les droits sociaux ! Un bon doigt d’honneur à tous cela.
Et tu sais quoi ? Toutes les marques sont concernées. Merci, merci. Mais maintenant moi je vais me coucher.
Je ne suis pas une écolo. Enfin, non, je ne vais pas dire ça comme ça. On dirait que « écolo » est un gros mot, un peu comme « féminisme », mais ceci est une autre histoire.
Donc je refais : je suis une écolo. Je suis une écolo qui ne se connaissait pas écolo avant de travailler au quotidien sur le développement durable (et si tu veux une leçon de rattrapage c’est par ici). Et puis un jour, j ai commencé à comprendre que le développement durable, ce n’était pas que l’écologie, mais aussi l’économie et le social, et bizarrement, ça m’a beaucoup plus intéressé…
On ne va pas se mentir, tu auras peut-être compris que mon combat à l’école est en fait un combat dans cette société. Je refuse de ne pas dénoncer les inégalités et je tente, à mon échelle, de les corriger.
Alors quand je vois ce que mon désir de consommation fait aux travailleurs, j’ai un peu mal au cul cœur.
Des contradictions et encore des contradictions
Oui mais voilà, je crois que je suis une fausse écologiste. Parce que entre mon désir de changer la société et celui de changer de smartphoone, c’est un peu la guerre des tranchées depuis ce reportage. Tu sens tout de suite que personne ne va gagner mais que ça va bien te pourrir la vie. En toute objectivité bien-sûr. J’en rajoute pas du tout des tonnes.
Quand je pense un peu aux raisons de changer de smartphone, j’en vois des tonnes :
- il commence à être un peu lent pour mon usage quotidien.
- il ne me permet pas de réaliser certaines actions, alors que j’en ai besoin là tout de suite maintenant.
- il a un appareil photo tout pourri (Coucou Instagram ! Mais si je t’aime)
Et quand je regarde toutes ces raisons, je me sens nulle, mais nulle… Parce que ce ne sont pas que des raisons de performances.
Et j’essaye aussi de savoir ce qui vient de moi et ce qui vient de la publicité. Est-ce que j’en ai vraiment besoin ? Pourquoi le faire à part parce que je suis une accro de la technologie qui se freine depuis des mois? Est-ce que en tant que prof’, j’ai vraiment besoin de cet objet ou c’est juste pour un plaisir personnel, bêtement égoïste ?
Et si je donne mon téléphone à Grumpf, est-ce qu’on peut dire que c’est du recyclage et que je fais en sorte de donner une seconde vie à mon portable ?
Quand je suis enfin décidée, je regarde les portables sur mon opérateur et je vois toutes les marques qui me disent « Tu te souviens de la petite fille qui nettoyait mon écran pour TA consommation ? » et je referme le navigateur en revenant à mes vieux démons.
Je pourrais très bien acheter un Fairphone, le téléphone fait de façon équitable grâce aux Pays-Bas, mais il est en rupture de stock et les prochains seront… En mai 2015.
Qu’est-ce que c’est finalement d’acheter équitablement?
Et même au delà de ça, qu’est-ce que c’est que d’acheter en toute bonne foi et en toute conscience ? Est-ce que participer aux bénéfices d’une entreprise, acheter une marque, c’est aussi indiquer qu’on ne veut pas tel ou tel procédé. Les marques se cachent derrière la sous-traitance, en expliquant que, comme elles sous-traitent, elles ne peuvent pas contrôler. Mais, moi, en tant que consommatrice avertie, est-ce que je fais leurs jeux ou est-ce que je dénonce en boycottant ? Est-ce que exprimer mon ras-le-bol, c’est forcément me mettre en dehors des grandes marques, c’est forcément brider des envies de consommation ?
Je n’ai pas de réponse à ces questions qui me touchent profondément depuis plusieurs mois. Je ne sais pas quoi faire face à cette machine qui me semble bien trop grande pour moi, simple utilisatrice. Est-ce que j’achète en sachant ou est-ce que j’arrête ma consommation en espérant un changement?
C’est là tout le paradoxe de ma démarche.
Mais ce qui est sûr, c’est que pour l’instant, je ne change pas de téléphone. Faut pas déconner non plus.
Et toi comment tu fais ? Tu t’en fous et tu continues tes habitudes ? Tu as complètement changé mais tu es embêté sur la question des nouvelles technologies ?