Amours solitaires ou comment réveiller l’amoureuse en moi

Il y a quelques jours heures, j’ai fini la lecture d‘Amours solitaires, de Morgane Ortin,, le livre tiré du compte Instagram du même nom. On va être honnête : j’ai pleuré.

J’ai énormément pleuré sur la première partie, j’ai pleuré un peu au milieu, et j’ai tout lâché à la fin. J’ai sûrement lu le livre le plus beau depuis quelques années. J’ai donc pleuré sur des conversations Messenger. J’avais oublié que la poésie pouvait se trouver partout et surtout dans le quotidien, tout simplement dans nos téléphones.

Je suis restée sans voix face à ce livre. Ce sont des simples échanges entre des amoureux, mais cela fait tellement de bien de lire des vrais mots, des vrais sentiments, des moments qui n’appartiennent qu’à une relation, un secret qu’on garde profondément en soi. L’autrice a donc compilé plusieurs messages qu’elle avait reçu d’inconnus pour en faire une histoire d’amour. On se rend compte qu’on peut ne pas se dire « je t’aime » au quotidien, mais on peut s’aimer à en mourir, par des milliers de signes du quotidien. Bouffée par le quotidien, j’avais tout simplement oublié ce qui me faisait vivre : l’amour.

« Prends soin de moi, pense à moi, panse moi ».

Et c’est là que je me suis rappelée de la femme que j’avais été pendant toutes ces années et que j’avais oublié peu à peu sous l’armure de la mère, de la femme mariée et de la travailleuse. J’avais oublié que j’ai toujours été une amoureuse acharnée, de celle qui est capable de faire absolument n’importe quoi pour ressentir un shoot d’émotions pure. J’ai toujours été une droguée à ces moments où on se dit que tout est unique, où on sait que c’est ce moment-là et pas un autre. Tout plaquer au bout de trois mois pour vivre dans le Sud de la France, aller dans un hôtel sans argent pour passer la nuit avec un amant, prendre un train pour rejoindre celui qui m’avait promis un tour de manège le lendemain. Traverser la France ou Paris, marcher plus de douze heures pour discuter et apprendre à se connaître, danser sur un bar et sur une table pour ne pas que la nuit se finisse, sentir une main sur ma cuisse alors qu’une autre est en train de me caresser le dos, embrasser cet ami en sachant que ce ne sera que pour une nuit, draguer cet inconnu qui ne parle pas un mot de français, acheter de la lingerie hors de prix en s’imaginant le regard de celui qui la verra, embrasser ces filles juste à ce moment-là, parce que c’était le moment. Découvrir encore et encore la peau de cet inconnu, caresser une main machinalement en imaginant les doigts qui pourraient me parcourir. Jouir dans une chambre inconnue, dans un salon et même dans une salle de bain. Dormir à deux dans un lit une place, sur un tapis ou sur une moquette. Parler à voix basse, en riant. Se regarder dans les yeux et ne rien dire. Rien. Avoir vingt ans toute sa vie.

A lire aussi :  Être maman depuis un an.

Écrire des poèmes, écrire des textes qui racontent mes sentiments, qui racontent les explosions de cœurs et de joies quand les corps se rencontrent. Rêver des prochains moments, imaginer ce qui pourrait se passer derrière une phrase lancée au hasard. J’ai toujours été de ces femmes, avec cet imaginaire là. Le temps semble semblait l’avoir effacée. Je pensais peut-être naïvement que la vieillesse (lol) devait rimer forcément avec sagesse, que le mariage et la routine devaient arrêter et dompter ce caractère volcanique. Je crois qu’il n’en est rien. Je crois que je reste profondément cette femme. Je crois que je reste une boulimique littéraire de beaux sentiments, je crois que j’aime toujours autant danser avec les foules et sentir mon cœur battre en même temps que les dizaines de personnes autour de moi. Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi vivante que le jour où j’ai reçu une déclaration d’amour, un mot doux dans une poche, un sourire qui veut tout dire et un fou rire provoqué par l’envie d’être ensemble.

Mais quelque chose à changer.

Je n’ai plus vingt ans et je ne cherche plus à avoir l’approbation de celui qui est en face. Je suis plus apaisée. Je peux continuer le jeu de l’amour sans que ça remette en cause mes choix et mes envies. A mes vingt ans, je ne savais ce que je valais. Concrètement le regard de celui qui était en face, est qui me faisait vivre, était l’essentiel de ma vie. Je pouvais sauter dans un train, marcher, frauder, danser, tant qu’il me regardait, je pouvais vivre. Mais quelle descente quand cela s’arrêtait. Je me souviens de cette terrible rupture en juin 2006, lorsque A., mon premier amoureux, de ceux qui compte, m’avait quitté. J’avais mis presque ma vie en danger en dansant et en buvant toute une nuit pour oublier. Je m’étais ensuite lancée dans une tourbillon d’hommes. Un tourbillon sans fin. Cela m’avait conduit d’ailleurs à lui dire non quelques mois plus tard quand il tenta de revenir dans ma vie, par orgueil et par égo. Alors que je l’ai toujours aimé désespérant et pendant des années. Cet homme était capable de me faire tout et je pouvais tout lui faire faire. Nous avions eu une relation torride et ultra fusionnelle, une relation à distance, où on pouvait passer des heures au téléphone, juste pour entendre le souffle de l’autre. Nous pouvions faire l’amour quasi partout, dont une fois dans la neige. J’avais 19 ans.

A lire aussi :  Ne pas oublier

J’en ai 32.

L’amour ne me fait plus peur. L’amour quotidien ne me parait plus ennuyeux, même si j’ai toujours peur de la monotonie. Grumpf a tendance à dire qu’on ne s’ennuie jamais avec moi. Je veux toujours nous réinventer, toujours trouver une nouvelle manière de nous aimer. Je ne supporte pas quand cela me semble calme et défini, j’ai besoin de bouillonnement et de projets pour me dire que nous avançons et que je vis quelque chose de fort.

Depuis que notre fils est né, je dirais que j’ai aussi changé sur un point : je crois que je n’ai plus rien à prouver à la société ou plutôt à mes proches. C’est un peu présomptueux dit comme cela, mais je n’ai plus besoin de justifier ma manière d’être. Je me sens libre de mes désirs et de mes envies. Je me sens aussi beaucoup plus féminine, je vais beaucoup plus assumer mon corps, ses rondeurs et surtout ses atouts : est-ce que je vous ai déjà dit que j’aimais profondément mes seins et ma lingerie ? Je peux entrer dans un jeu de séduction en sachant parfaitement où j’en suis dans ma vie. Je n’ai plus besoin de quelqu’un d’autre pour me définir. Et c’est le changement.

Alors que j’ai cherché pendant des années à me faire porter par l’amour de l’Autre, j’ai arrêté d’attendre l’approbation. J’ai compris que je pouvais être aimée parce que j’étais moi. Pas parce que je faisais, pas parce que je m’oubliais sous mes armures de femme, mère et travailleuse, mais parce que j’étais moi. Avec mes pensées, avec mes envies, avec mes raisonnements, mes choix et mon passé. On ne m’aimait pas parce que je pouvais prendre soin de l’Autre, mais parce que j’étais profondément aimable. Cela a changé durablement mon rapport aux autres depuis quelques mois. Et j’en suis profondément heureuse.

A lire aussi :  Leïla et les autres : on veut plus qu’un plan com’

Je ne peux finir cet article sans citer Morgane Ortin, à la fin de ce magnifique livre :

Je vous parlais dans l’avant-propos de ce dicton : « Fuis moi, je te suis, suis moi, je te fuis ». Ce que prône ce dicton, c’est le fait de masquer ses sentiments et d’adopter une attitude d’indifférence totalement contradictoire à ce que l’on ressent intérieurement pour séduire, plaire et garder près de soi l’être aimé.

En mettant sur un piedéstale l’indifférence et en la rendant désirable, ce dicton transforme la sensibilité, les émotions et les sentiments en prétendus signes de faiblesse. [… ]

Arrêtons les faux-semblants.

Si nous aimons, disons-le, si nous désirons, montrons- le. Il y a tellement de nuances et de possibles dans l’expression du sentiment que nous serions bien tristes d’aimer en rejetant l’amour.