« T’as pensé à … ? » ou comment je tente de montrer la charge mentale des femmes sur Instagram

Il y a une semaine, un mardi matin, alors que j’étais déjà en retard pour la nounou et pour mes cours, j’ai pris quelques minutes pour créer un compte Instagram sur la charge mentale. Il se nomme « Tu as pensé à… ? » ou @taspensea.

Depuis une semaine, plus de 200 individus ont rejoint cette initiative : en majorité des femmes.

Le matin, je fais un point sociologique, historique et politique sur la charge mentale. Je tente de donner des outils concrets à la réflexion féministe. Le soir, je poste « la charge mentale du jour » : des femmes qui sont venues me raconter comment cela se passait pour elles, des phrases que j’ai entendues au parc, à la cantine, dans le métro.

Mais pourquoi ?

Depuis que je suis devenue maman en octobre 2017, cette charge m’a sautée à la figure. Je ne pensais jamais que je me retrouverais dans cette situation, parce que justement, je suis une féministe convaincue, que j’ai fait mes études sur l’histoire du féminisme, parce que ce sont mes principales lectures. Et je ne peux que le constater : je me suis plantée. J’ai pris tout en charge, j’ai laissé peu de place à mon compagnon, qui de son côté de s’est rendu compte de rien, ou du moins n’a pas voulu voir. C’est un échec personnel et de couple. Cela a abîmé notre amour que nous pensions insubmersible, cela a touché l’estime que j’avais de moi-même, cela m’a remis en cause dans toutes les facettes de ma vie. Je n’en suis pas arrivée à un épuisement maternel. J’ai dit stop.

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Face aux contraintes de la maternité, face à cette violence de la société qui se trouve sur les épaules des mères, ces rôles de maman et de femme mariée me sont devenus insupportables.

Depuis, j’essaye de trouver des solutions.

Je ne suis clairement pas tendre avec mon entourage, je ne laisse plus rien passer, et surtout je parle.

Et depuis que je parle, je me suis rendue compte que je n’étais pas seule. Nous sommes des dizaines, que dis-je, nous sommes des centaines à subir cela. Nous sommes des femmes qui portons tout : mariée ou pas, travaillant ou pas, croyante ou pas, féministe ou pas, à la ville ou à la campagne.  Nous sommes toutes concernées par cette double journée, parfois par cette triple journée. Nous sommes toutes dans le même bain mais jamais avec les mêmes outils.

Je me suis plusieurs fois plainte par ici du fait que les réseaux sociaux dits « féminins » n’étaient pas assez politisés. On ne peut pas faire de politique et prendre du recul quand on gère autant de choses. On ne peut pas tout faire.

On ne peut pas reprocher à une femme de n’avoir pas lu le dernier Mona Chollet alors qu’elle tente désespérément de trouver du temps pour prendre une douche, pour courir chez la nounou, pour soigner le dernier rhume. On ne peut pas.

En revanche, on a besoin aujourd’hui de vulgariser le savoir, on a besoin de soutenir les femmes dans ce combat intime, dans ce combat de couple. C’est pourquoi je tiens à donner des outils chaque matin : ce n’est pas parce qu’on n’a pas fait d’études de socio ou d’histoire qu’on ne peut pas comprendre, ce n’est pas parce qu’on n’est pas de mon avis politique qu’on n’est pas concernée.

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Les charges mentales du jour permettent à chacune de montrer que c’est un problème quotidien. Les réactions sont toujours les mêmes : « mais troooppp !!!! » ou « c’est abusé!« . Mais quand on prend un peu de recul, cela permet de voir que la situation décrite est celle qu’on vit au jour le jour

Ce que je souhaite, c’est que chaque femme ne se sente plus seule face à cette corvée.

Ce que je souhaite, c’est que ce compte permette de créer de la solidarité, que ce compte puisse créer des discussions de couple, que ce compte permette de dialoguer entre femmes, de trouver des solutions.

La nouvelle bataille du féminisme sera l’intime.

On continue d’exiger une égalité dans la société, la fin des violences sexistes et sexuelles dans l’espace public, mais si nous voulons transformer en profondeur la société, il faudra changer ce modèle de famille, qui repose entièrement sur le patriarcat. Ce modèle de famille se perpétue et a une réelle répercussion sur les enfants, les futurs parents. Nous devons être des modèles d’égalité pour que cette société change. Nous devons bouger, nous devons bousculer, nous devons dire « stop » dans notre couple.

La charge mentale des femmes ne doit pas être mieux gérée, la charge mentale doit être partagée, doit être décrite, doit être comprise.

Tu peux nous rejoindre sur ce compte Instagram. Tu peux lire, partager, ou participer. Tu fais comme tu veux et peux.

Et surtout prenez soin de vous !